Il y a 280 ans naissait Jeanne Barret, l’exploratrice déguisée en homme.
Fille de Jeanne Pochard et de Jean Barret, paysan, Jeanne Barret nait le 27 juillet 1740 dans le village de La Comelle, en Bourgogne. En dehors de son certificat de baptême, très peu de traces de son enfance et de son adolescence sont parvenues jusqu’à nous.
D’après le récit que Jeanne fera plus tard à Bougainville, elle est une orpheline ayant perdu sa fortune dans un procès, mais les historiens s’accordent à dire qu’elle a inventé certains détails de son récit pour se protéger. On sait simplement que, malgré le fait que sa famille soit vraisemblablement pauvre, elle apprend à lire et écrire et entre au service du naturaliste Philibert Commerson au début des années 1760, en tant que gouvernante.
Jeune veuf, Philibert entame une relation avec Jeanne, qui tombe enceinte en 1764. Jeanne refuse de nommer le père de son fils, Jean-Pierre, qui nait en décembre 1764 et, placé en famille d’adoption, décède quelques mois plus tard.
La Boudeuse et l’Etoile
L’année suivante, Philibert Commerson est invité à se joindre à l’expédition de l’explorateur Bougainville autour du monde, à bord de la Boudeuse et de l’Étoile. En mauvaise santé, il souhaite la présence de Jeanne Barret en tant qu’infirmière mais également en tant qu’assistante dans son activité de botaniste. A l’époque, cependant, il est hors de question d’embarquer une femme. C’est donc déguisée en homme, sous le nom de Jean Baret et en tant que valet de Commerson que Jeanne rejoint l’expédition.
En décembre 1766, Jeanne et Philibert embarquent sur l’Étoile, dans une vaste cabine qu’ils ont obtenue grâce à l’imposante quantité de matériel transportée et qui leur offre l’intimité nécessaire pour couvrir la supercherie. Leur présence au sein de l’expédition est relatée dans les écrits de Bougainville lui-même, dans ceux de Commerson ainsi que dans les récits de deux autres membres de l’expédition : le prince de Nassau-Siegen et François Vivès, chirurgien sur l’Étoile.
Une exploratrice courageuse et une botaniste patiente
A bord, Jeanne Barret passe la majeure partie de son temps à s’occuper de Philibert, qui souffre du mal de mer et d’un ulcère chronique. C’est en Amérique du Sud que leur activité d’exploration et de collecte de spécimens commence réellement. En raison de l’état de santé de Philibert, Jeanne porte le matériel et collecte une grande partie des 5 000 spécimens qu’ils rapporteront du voyage. Dans son récit, Commerson fait d’ailleurs référence à elle comme sa « bête de somme », et la jeune femme, passant toujours pour un homme, se taille une réputation de force et de courage en ne reculant devant aucun terrain défavorable. Au-delà des expéditions, Jeanne assiste également son compagnon pour cataloguer les spécimens et noter des observations.
D’après le récit de Bougainville, à ce stade de l’expédition, des rumeurs circulent sur le sexe de Jeanne Barret mais rien n’est confirmé. Il raconte que c’est en arrivant à Tahiti, en avril 1768, que la supercherie est découverte : à l’arrivée de Philibert et Jeanne sur l’île, des Tahitiens les auraient entourés, clamant que Jeanne était une femme et les obligeant à repartir à bord. Les versions diffèrent entre les passagers, mais il est certain que lorsque l’expédition atteint Tahiti, ses membres savent que Jeanne est une femme. Le couple est pourtant autorisé à poursuivre le voyage, jusqu’à l’île Maurice où ils débarquent tous deux. Là, elle continue d’assister Philibert, l’accompagnant dans des expéditions de collecte de spécimens à Madagascar au début des années 1770.
« Une femme extraordinaire »
Toujours en mauvaise condition physique, Philibert Commerson meurt sur l’île Maurice en 1773. Seule, Jeanne Barret ouvre et gère une taverne à Port-Louis pendant quelques temps. Le 17 mai 1774, elle épouse Jean Dubernat, un officier de marine français. L’année suivante, le couple rentre en France et Jeanne devient ainsi la première femme à avoir réalisé un tour du monde. Recevant la part d’héritage que Commerson lui avait destinée avant leur départ en expédition, elle s’installe avec son mari dans son village natal de Saint-Aulaye, dans le Périgord. En 1785, le roi Louis XVI lui accorde une rente de 200 livres. Le document accordant cette pension vante son courage et ses mérites, parle d’elle comme d’une « femme extraordinaire » et évoque son « attitude exemplaire ».
Jeanne Barret meurt à Saint-Aulaye le 5 août 1807. En 2012, une espèce de Solanaceae découverte en Amérique du Sud est nommée Solanum baretiae en son honneur.